Démarche artistique
L’idée à l’origine de mon travail prend source dans un questionnement sur notre réalité, vue comme un espace caractérisé par la dualité, et qui ne tiendrait qu’en fonction des relations, des liens tissés entre les éléments composant notre environnement. Cet environnement peut être soit naturel ou artificiel, soit matériel ou immatériel. Mais il peut aussi suggérer l’opposition entre l’histoire et les nécessités du présent. Cette réflexion m’a conduit à interroger ce que pouvaient être les limites physiques ou mentales d’une identité culturelle, sociale ou politique : une zone frontalière qui à la fois sépare et lie une entité à une autre.
Cette modélisation engendre toutes sortes de communications et d’échanges, rationnels ou irrationnels, conscients ou inconscients, visibles ou invisibles qui constituent le paysage de notre réalité ainsi que l’histoire d’un être, d’un lieu, voire même d’une culture.
Dans les années 1990, j'ai exploré la notion de lien, d'abord le lien comme interface, où la métaphore de la « Peau » est utilisée pour rendre visible à la fois la séparation tout en constituant un médium entre un être et son environnement.
Ensuite, le lien comme rassemblement fort des contraires, lorsque la matérialité brute du ligotage ou de la couture unifie de manière visible et assumée ce qui aurait dû être séparé – comme pour tenter de résoudre dans une dynamique nouvelle un conflit fondamental. Chaque expérience plastique suggère un degré ou un type de lien différent : couture, collage, ligotage, cerclage, serrage, agrafage, juxtaposition, etc.
Depuis les années 2000, j’ai exploré un lien plus implicite, celui créé par l’être humain dans son rapport au monde et aux autres : il ne s'agissait plus tant à matérialiser une union mais à donner la possibilité aux autres de créer du lien, du récit, des rencontres.
C’est dans ce cadre que j’ai été amenée à développer des projets relationnels : Blanchiment, L’Archéologie de ordinaire, etc.
Le projet Blanchiment, réalisé en 2009 lors de la résidence à Stuttgart est le fruit d’une réflexion autour de ce dernier aspect : les participants sont invités à se débarrasser d’un objet dont ils n’ont plus l’usage, après avoir expliqué le lien qu’ils entretenaient avec lui. L’objet est ensuite intégralement couvert de peinture blanche et trouve place dans une installation éphémère : à la fin de l’exposition, les visiteurs qui en auront fait la demande acquerront l’objet blanchi sur lequel ils auront jeté leur dévolu.
Actuellement je m'interroge sur la fragilité de l'équilibre et l'incertitude des liens, ce à partir d’images provenant de divers horizons médiatiques : affiches, journaux ou magazines …
La procédure « Mise au point » met le spectateur face à des images « effacées » en partie par des points, qu'il essaie de reconnaître à travers ce filtre imposé. Son imaginaire foule alors un terrain qui devient incertain, qui remet en question des points de vue par essence subjectifs et pris pour acquis.
Le travail en volume que je développe parallèlement est lui aussi conçu autour de cette notion de remise en question, à travers des matériaux dits « pauvres ». Des structures par exemple en fil de fer, rigides en première apparence, se révèlent de plus près irrégulières et fragiles, laissant passer le regard par leur matérialité délicate et légère, confrontant le spectateur à la fragilité d'un équilibre qui se révèle finalement illusoire. Elles renvoient à l'incertitude induite par la dynamique permanente de l'interaction avec l'environnement, que chacun d'entre nous essaie de surmonter en recréant ou réadaptant constamment ses liens avec ce qui nous entoure